Mathématique
M. se rappelle du choc qu'elle a eu en retournant le tableau :
"Ma première réflexion a été de me dire que c'est dégueulasse, j'ai paniqué en croyant que j'y arriverais pas. Puis c'est la fierté : j'suis arrivée à faire ça, moi !
Le cours de math nous a appris à aller au-delà des difficultés, à vivre avec des contradictions, à nous sentir perdu(e)s sans couler, à avoir confiance en soi. Le choc de ton cours c'est que le monde est comme ça : les math nous donnent accès à la réalité. Quand t'as un problème dans la vie, une période où t'as l’impression que tout se ligue contre toi : il faut te dire que c'est une étape à passer, courage. En math j'ai appris que pour avancer il faut aller d'étape en étape. On n’avance pas d'un bond. On n'arrive pas à la réponse finale en une fois. Je crois que ceux qui n'arrivent pas en math, ce sont ceux qui se sentent tout de suite coulés, qui n'arrivent pas à comprendre que si t'as passé une étape c'est bien. Or il faut pour progresser arriver à décortiquer et pour cela il faut apprendre à poser la question précise de ce qu'on ne comprend pas, il faut ne pas se décourager et demander à son voisin. C'est en math que j'ai appris la solidarité.
C'est dans le cours de math qu’on se retrouve le plus adulte. En sixième j'étais enceinte, je devais donc en neuf mois devenir adulte. Pendant ma dernière année à l'école je devais me demander : « où est le concret? » Cette façon d'apprendre en math à être face à des choses qui me semblent insurmontables m’a aidée dans mon passage à l’âge adulte.
J’avais pas le choix, je devais devenir adulte tout de suite. J’avais besoin que tout cela aille très vite. Et ce que les math m'ont fait vivre pour prendre conscience ça a été très vite. Tu te rends compte, en retournant ce tableau j'ai compris qu'en trois ans j'y étais arrivée et que si j' suis arrivée à cela alors la vie j'y arriverai. J’suis pas nulle. J 'ai 19 ans, j'ai un bébé, j'suis pas une imbécile. Voilà ce que j'ai lu sur ce tableau. C'est pas une question d'âge l'intelligence".
Le bébé sur les genoux a le hoquet. M. la relève: « Tu dois apprendre à t'émerveiller sur ce que toi tu sais faire »
'C'est très humain, me dit-elle, ton cours de math. On y vit plein de sentiments: joie d’y arriver, fierté d'expliquer à quelqu'un, découragement, inquiétude, étonnement, rage. Une vraie lecture de soi-même et une lutte avec soi-même. C’est très violent, ce sont des sentiments forts".
Initiations asbl
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Emue par les jeunes contemporains j’écris pour donner écho à des pratiques expérimentées, voire créées, avec eux.
J’écris pour témoigner, pour dialoguer, pour stimuler. J’écris par amour des êtres et des mots: dire juste est un tel défi !